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Humain ou machine ? Louis Fouché & Philippe Bobola - Conférence à Angers

Dans cette conférence, Louis Fouché (médecin anesthésiste-réanimateur) et Philippe Bobola (physicien, anthropologue et psychanalyste) explorent les défis de notre monde ultra-connecté. À travers des exemples concrets — de la médecine à l’industrie, en passant par l’intelligence artificielle et la cybernétique — ils montrent comment la technologie transforme notre rapport à la santé, à l’information et à la liberté. Leur échange met en évidence les risques d’une automatisation totale (transhumanisme, déshumanisation des soins, surveillance généralisée), mais aussi les voies d’une résistance créative, fondée sur la coopération, la lenteur et la reconnexion à l’essentiel. Ils partagent enfin des pistes pour réinvestir l’humain et la spiritualité au cœur de nos pratiques, afin de naviguer avec conscience dans cette ère digitale. Livre de Louis : https://amzn.to/3Xb7Ryl Site de Philippe : https://www.unitedusavoir.com Mots-clés : Louis Fouché, Philippe Bobola, transhumanisme, intelligence artificielle, Big Data, monde numérique, médecine, liberté, résistance créative, écologie humaine, spiritualité

Humain ou machine ? Louis Fouché & Philippe Bobola - Conférence à Angers

Humain ou machine ? Louis Fouché & Philippe Bobola - Conférence à Angers

Dans cette conférence, Louis Fouché (médecin anesthésiste-réanimateur) et Philippe Bobola (physicien, anthropologue et psychanalyste) explorent les défis de notre monde ultra-connecté. À travers des exemples concrets — de la médecine à l’industrie, en passant par l’intelligence artificielle et la cybernétique — ils montrent comment la technologie transforme notre rapport à la santé, à l’information et à la liberté. Leur échange met en évidence les risques d’une automatisation totale (transhumanisme, déshumanisation des soins, surveillance généralisée), mais aussi les voies d’une résistance créative, fondée sur la coopération, la lenteur et la reconnexion à l’essentiel. Ils partagent enfin des pistes pour réinvestir l’humain et la spiritualité au cœur de nos pratiques, afin de naviguer avec conscience dans cette ère digitale. Livre de Louis : https://amzn.to/3Xb7Ryl Site de Philippe : https://www.unitedusavoir.com Mots-clés : Louis Fouché, Philippe Bobola, transhumanisme, intelligence artificielle, Big Data, monde numérique, médecine, liberté, résistance créative, écologie humaine, spiritualité

conférence du 18-02-2025
L’Homme face à la révolution numérique : une réflexion anthropologique et spirituelle
Dans cette conférence captivante, le Dr Louis Fouché, médecin réanimateur, et Philippe Bobola, physicien et philosophe, explorent les impacts de l’intelligence artificielle et de la digitalisation sur notre société et notre humanité. En s’appuyant sur leurs expertises respectives, ils dressent un constat lucide : la technologie, en accélérant notre dépendance à un monde numérique, tend à uniformiser nos vies, à nous réduire à des données exploitables et à nous éloigner de notre essence. Pourtant, loin de se limiter à une critique pessimiste, ils invitent à une résistance consciente et créative. À travers une analyse historique, philosophique et pratique, ils interrogent la place de l’homme dans cette ère cybernétique, soulignant les dérives d’une société algorithmique tout en proposant des pistes pour retrouver du sens. De la médecine transhumaniste aux prophéties autoréalisées, en passant par les promesses d’un retour à la lenteur et à la résonance collective, cette discussion appelle à une reconnexion au réel et à l’âme. Une réflexion profonde sur notre rapport à la technique, entre menace totalitaire et opportunité de réinvention.
 

 
Dr Louis Fouché : Merci d’être présents ce soir. Je suis touché et un peu impressionné de vous voir ici. Ce dont nous allons parler – l’intelligence artificielle et la digitalisation – n’est qu’un prétexte. L’essentiel, c’est d’être ensemble. J’ai souvent rêvé de tenir des conférences de trois heures dans le silence, mais rassurez-vous, nous allons discuter ! Nous aborderons ce que j’appelle « l’é-monde », le monde électronique, un sujet sur lequel j’ai une certaine légitimité. Ces dernières années, notamment depuis quatre ans, nous assistons à une accélération de notre transfert vers le numérique. Vous me voyez aujourd’hui en chair et en os, mais pour beaucoup, je ne suis qu’un avatar pixélisé sur écran. En vrai, je suis plus petit que vous ne l’imaginez, avec un grand thorax mais des petites jambes – une illusion que la webcam dissimule !
La crise récente a renforcé cette numérisation. Les confinements nous ont à la fois reconnectés à une vie locale – beaucoup ont retrouvé la nature, leur famille, une pause bienvenue – et aspirés dans une matrice cybernétique. Plus de 70 % d’entre vous ont un téléphone portable, un terminal qui vous relie à cette immense toile informationnelle qu’est Internet. Notre appartenance sociale dépend désormais d’un abonnement téléphonique, comme si le contrat social se réduisait à un forfait. Avec un abonnement basique, vous existez à peine ; avec un premium, vous gagnez en visibilité sociale.
En médecine, cette transformation est encore plus ancienne. L’intelligence artificielle (IA) domine déjà des domaines comme la radiologie, où 80 % des analyses sont réalisées par des algorithmes capables de détecter des tumeurs plus efficacement que les radiologues. En anatomopathologie, les diagnostics sont assistés par l’IA. Des applications enregistrent les consultations, proposent des diagnostics et des protocoles thérapeutiques. Cela existe depuis des années, pas en 2050, mais aujourd’hui. En réanimation, où je travaille, nous incarnons une médecine transhumaniste. Les patients, dévêtus, bardés de tuyaux – voie centrale, sondes, respirateurs, dialyse – sont réduits à des processus vitaux contrôlés par des machines et des algorithmes. Nous les sédatons avec des morphiniques et des hypnotiques pour qu’ils ne souffrent pas et restent inconscients. Cette image d’un humain nu, prisonnier d’une cage de verre et de données, reflète notre société : connectée à une infosphère, transformée en tableaux Excel, pilotée à distance. Pourtant, la guérison passe par le retrait de ces machines, par un retour à l’autonomie, à la conscience, au réel – non par davantage de dépendance technologique.

Philippe Bobola : Pour comprendre cette situation, remontons à ses origines historiques et philosophiques. La science moderne repose sur la calculabilité et la quantification. Georges Canguilhem, médecin et philosophe, alertait déjà sur une médecine numérique où le normal et le pathologique se définissent par des chiffres – analyses biochimiques, normes, seuils. Martin Heidegger, pensant la technique, écrivait que la pensée calculante a remplacé la pensée méditante, transformant l’humain en données exploitables. Jacques Ellul, autre grand penseur, soulignait que la technique, devenue autonome, échappe à l’homme et exerce une pression sur nous. Nous en devenons dépendants, comme le montre notre panique face à une panne de réseau.
La technique impose aussi une accélération continue. Georges Simondon parlait d’une « vitesse éternellement vitesse ». Avec les ordinateurs quantiques, cette rapidité s’amplifie, dépassant de loin la vitesse de l’influx nerveux humain. Raymond Kurzweil, figure du transhumanisme, voit l’organisme vivant comme une machine à traiter l’information, prédisant une fusion entre l’homme et la technique – un cyborg où l’humain biologique disparaît. Mais la vie n’est pas qu’information ; elle est conscience, et celle-ci ne naît pas de la matière. Face à cette vitesse imposée, je défends l’éloge de la lenteur comme principe de résistance, refusant que la technique dicte notre rythme.
Kurzweil évoque un « point de singularité » vers 2050, où nous ne pourrons plus nous passer de la technologie. Cette dépendance atrophie nos capacités : je ne calcule plus mentalement, les jeunes consultent leur téléphone au lieu de mémoriser. Certains parlent d’une sixième extinction, où l’homme fusionnerait avec le numérique, perdant son essence. La médecine prédictive, critiquée par Jean-Claude Ameisen comme une supercherie, réduit l’individu à sa biologie, oubliant ses émotions, ses relations, son humanité.

Dr Louis Fouché : Philippe a raison, cette question dépasse la technologie pour toucher à l’anthropologie : qu’est-ce que l’homme face à la technique ? Celle-ci est notre langage, une artificialisation du vivant pour lutter contre l’entropie et la mort. Une table fixe un arbre dans le temps, le préserve de la décomposition. Depuis les Lumières, avec Hobbes imaginant une cité parfaite sans erreur, puis l’industrialisation, nous cherchons à tout contrôler. L’artisan est remplacé par l’ouvrier, puis par le salarié optimisant des tableaux Excel, jusqu’à la cybernétique née en 1945 avec les conférences Macy. Norbert Wiener y définit le monde comme un système informationnel manipulable par des boucles de rétroaction – le principe de l’IA et de la robotique.
En médecine, cela se traduit par des diagnostics algorithmiques. Mais le transhumanisme rêve d’un monde parfait et automatique, qui est un enfer : uniformisation, totalitarisme, mort de la biodiversité. L’uniformité, en physique, c’est l’équilibre thermique, un système mort. La vie, elle, prospère dans la diversité et l’imprévisibilité.

Transition vers des solutions
Philippe Bobola : Face à ce tableau sombre, nous ne devons pas subir. Comment utiliser la technologie sans la laisser nous dominer ? La physique quantique, probabiliste, et l’effet papillon montrent que le monde n’est pas totalement prévisible. Soyons imprévisibles, refusons de livrer nos données au système. Choisissons un autre rythme, connectons-nous à une dimension spirituelle, comme le monde archétypal de Platon, hors du temps, plutôt qu’à l’infosphère. Cultivons la lenteur, l’art, la rébellion.

Dr Louis Fouché : Cette révolution numérique, comme l’invention de l’automobile, bouleverse tout : métiers, temps, espace. Mais elle nous ramène à l’instant présent. En médecine, on dit que l’IA ne remplacera pas les médecins, mais que ceux qui l’utilisent supplanteront les autres. Pourtant, des études montrent que le diagnostic repose aussi sur l’intuition, hors des bases de données. Nous avons une capacité unique : la résonance collective. Comme des soldats marchant au pas font s’effondrer un pont, nous pouvons, en nous réunissant, transformer le réel. Les rituels, les célébrations, rechargent cette énergie. Face à l’isolement numérique, créons des ponts, des échanges.
Le temps, aussi, nous échappe aux algorithmes. En physique théorique, le futur peut précéder le présent, le présent modifier le passé. Hollywood, avec ses films, nous conditionne à des futurs prédictifs. Mais nous pouvons choisir un autre futur par notre créativité collective, comme dans les transitions de phase où des clusters coopératifs transforment le système.

Conclusion
Dr Louis Fouché : Ce monde numérique est un défi, mais aussi une chance. Ces quatre dernières années, malgré les interdits, des réseaux alternatifs ont émergé, des liens se sont créés. L’IA nous dépasse en savoir, mais pas en âme – cette quête de sens qui nous définit. Dansons avec cet adversaire, jouons-nous du « diable » numérique pour renouer avec le réel. C’est une convocation héroïque à être créateurs de beauté, individuellement et collectivement.
Philippe Bobola : L’IA critique notre pédagogie figée. Ces années ont réveillé la curiosité, la « cyberlittératie ». Face à la contrainte, retrouvons notre souveraineté, notre axe spirituel. C’est à nous de reprendre la main.
[Applaudissements]

Humain ou machine ? Louis Fouché & Philippe Bobola - Conférence à Angers
Humain ou machine ? Louis Fouché & Philippe Bobola - Conférence à Angers